L'alimentation de la poulinière : les fondamentaux à connaître
08/08/2023L’alimentation de la poulinière joue un rôle fondamental dans la réussite de votre projet d’élevage. En fonction des stades physiologiques, la poulinière aura des besoins nutritionnels spécifiques. Voici quelques éléments à ne pas négliger pour optimiser l’état physique de votre poulinière pendant les périodes de reproduction, de gestation et de lactation.
Sommaire
I. Les besoins nutritionnels de la poulinière en fonction des différents stades physiologiques.
II. Les aliments à privilégier.
- Les protéines (MADC - Matières Azotées Digestibles Cheval).
- Les apports en énergie (UFC - Unité Fourragère Cheval).
- Les vitamines et minéraux.
III. Gestion de l'alimentation de la poulinière lors des stades physiologiques.
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I. Les besoins nutritionnels de la poulinière en fonction des différents stades physiologiques.
De manière générale, on dit d’une jument en bon état physique qu’il faut pouvoir sentir ses côtes au toucher, mais qu’elles ne doivent pas être visibles. Si votre poulinière est trop maigre, sa priorité est de s’alimenter elle-même pour survivre. Le poulain pourrait en subir les conséquences, souffrir de carences, voire la gestation pourrait s’en trouver compliquée. De même, si la jument est en surpoids, les apports excessifs peuvent porter préjudice au poulain : par exemple, les risques d’OCD (ostéochondrose de développement) pour le poulain sont élevés.
En fonction des stades physiologiques de votre poulinière, ses besoins seront différents. On distingue 3 phases successives : la reproduction, la gestation et enfin, la lactation.
- La phase de reproduction dure de la période à laquelle la jument est mise à la reproduction, jusqu’au moment où elle est gestante. Son état corporel doit être optimum pour favoriser sa fertilité. Pour cela, une complémentation hivernale en énergie et en protéines de bonne qualité pourra être utile. Une jument en mauvais état corporel courra des risques d’avortement et de mortalité embryonnaire.
- Il convient de séparer la phase de gestation en deux temps : pendant la 1ère période, qui dure du début jusqu’à 6-7 mois de gestation, les besoins de la poulinière seront différents de la 2ème période (du début du 3ème trimestre jusqu’à la mise-bas). Cette différence s’explique par la croissance tardive et exponentielle du fœtus. Les besoins nutritionnels pendant la première période sont similaires à la phase de reproduction.
À partir du 6ème mois et tout au long du dernier trimestre, la croissance du fœtus s’intensifie, ce qui induit un encombrement de l’abdomen par la masse utérine. Ainsi, la capacité d’ingestion de la jument diminue (ce qui entraîne une baisse de la consommation de fourrage), mais on prêtera une attention particulière aux apports en protéines.
Source : IFCE.
En fin de gestation, une jument en bonne santé devra avoir gagné près de 13% de son poids.
- Les besoins nutritionnels de la jument explosent lors de la phase de lactation. Sa capacité d’ingestion augmente alors de manière significative. En effet, après le poulinage, les besoins en énergie (appelée UFC = unité fourragère cheval), en calcium et en phosphore doublent, et les besoins en protéines (appelées MADC = matières azotées digestibles cheval) triplent.
II. Les aliments à privilégier.
1. Les protéines (MADC - Matières Azotées Digestibles Cheval).
Un apport suffisant en protéines de bonne qualité est indispensable pour la jument et son poulain. En effet, les protéines sont composées de chaînes d’acides aminés : certains de ces acides aminés sont synthétisés par le cheval lui-même, et d’autres doivent lui être apportés via l’alimentation. La lysine et la méthionine font partie de ces acides aminés qui doivent être intégrés aux rations alimentaires, dans des proportions adaptées, selon chaque phase physiologique.
Selon l’INRA, les apports en lysine recommandés par jour pour une jument gestante sont de 10g/kg de poids corporel, et de 15g/kg de poids corporel pour une jument allaitante. Dans ce dernier cas, une alimentation restreinte en lysine aura pour conséquence une diminution de la production de lait pour le poulain.
Vous trouverez des protéines de bonne qualité dans divers aliments :
- les graines de légumineuses (féverole, lupin, pois)
- le tourteau de soja (on veillera à limiter la quantité de tourteau de soja à 500g par jour)
- la luzerne
- et du foin de bonne qualité (n’hésitez pas à faire analyser votre foin pour en connaître la qualité !), voire de l’enrubanné dans la mesure du possible
Les vendeurs d’aliment d’élevage précisent fréquemment le taux de lysine présent dans l’aliment, ce qui permet à l’éleveur de savoir si l’origine des protéines est de bonne qualité.
2. Les apports en énergie (UFC - Unité Fourragère Cheval).
Pour apporter de l’énergie à la poulinière, ce sont les céréales qui sont principalement utilisées : l’orge, l’avoine, le floconné de maïs, … Cependant, il est vivement recommandé de surveiller les apports en amidon pendant la gestation, qui augmentent les risques d’ostéochondrose et ont un impact sur la qualité du colostrum. Ces aliments sont à utiliser avec parcimonie, et ces céréales peuvent être remplacées (en totalité ou en partie) par des matières grasses telles que l’huile ou les graines de lin, qui apporteront des acides gras essentiels tels que les oméga 3 et oméga 6.
3. Les vitamines et minéraux.
Pendant la première partie de la phase de reproduction et la première partie de la gestation (jusqu’au 6ème mois), les besoins en vitamines et minéraux ne sont pas différents de ceux d’un cheval au travail. Cependant, si votre poulinière est uniquement alimentée au foin, elle peut souffrir de carences en vitamines, minéraux et oligo-éléments. Veillez à la nourrir de façon adéquate plusieurs mois avant la mise à la reproduction : une carence pourra mettre 3 mois à être corrigée, et elle aura un impact sur sa fertilité.
À partir du 6ème mois et le début de la croissance du fœtus, les besoins en calcium et en phosphore (pour le développement du squelette), en sélénium, en zinc et en cuivre (indispensable pour l’ossification et la construction des tissus) augmentent.
> Le calcium et le phosphore interagissent lors de leur absorption, il est donc conseillé de ne pas surdoser les apports en phosphore (le risque est principalement présent dans les rations céréalières à base d’orge, d’avoine, son de blé, …).
> Le zinc et le cuivre ont une importance particulière en fin de gestation : le fœtus va les stocker dans son foie pour les utiliser dès les premières semaines de sa vie. Ces oligo-éléments vont permettre de limiter les risques d’ostéochondrose notamment.
> Le sélénium (tout comme la vitamine E) est un puissant antioxydant à intégrer à l’alimentation de la poulinière à partir du 6ème mois de gestation et pendant la lactation. Les carences en sélénium peuvent avoir pour conséquence la maladie du muscle blanc chez le poulain : elle est caractérisée par des raideurs et des troubles cardiorespiratoires. Le pronostic vital est fréquemment engagé dans les cas d’atteinte cardiaque.
> Les vitamines A, D et E sont essentielles pendant la gestation et la lactation : elles interviennent dans la phase de reproduction, dans la croissance du fœtus et la fabrication de son squelette.
N’hésitez pas à complémenter votre jument grâce à un CMV (complément en minéraux et vitamines) durant chaque phase physiologique (sauf dans le cas où un autre aliment assure les apports cités ci-dessous). Un CMV de type “élevage” lui assure notamment les apports nécessaires en zinc, cuivre, calcium, en sélénium et vitamines.
À noter : les excès sont aussi dangereux que les déficits pour la jument et son poulain !
III. Gestion de l'alimentation de la poulinière lors des différents stades physiologiques.
1. Pendant la gestation.
Ci-dessous, l’IFCE (Institut Français du Cheval et de l’Équitation) propose un tableau de rationnement sur une jument de type sport de 550 kg.
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Exemple pour une jument de 550 kg au début de gestation (0 - 5 mois) :
Aliments distribués |
Poids brut |
UFC |
MADC |
P |
Ca |
Foin de qualité moyenne | 11 kg | 4,29 | 341 | 28,6 | 36 |
Apports calculés | 9,4 mg Ms | 4,29 | 341 | 28,6 | 36 |
Apports recommandés | 7,5 - 9,5 kg Ms | 4,4 | 318 | 16 | 22 |
Source : IFCE.
On observe que lors de la première phase de gestation, les apports en foin comblent les besoins en énergie, en protéines, en phosphore et en calcium de la poulinière. Attention : veillez à tout de même la complémenter avec une pierre à sel + un CMV.
Exemple pour une jument de 550 kg en fin de gestation (11 mois) :
Aliments distribués |
Poids brut |
UFC |
MADC |
P |
Ca |
Foin de qualité moyenne | 10 kg | 3,9 | 310 | 26 | 33 |
Luzerne déshydratée | 2 kg | 1,08 | 188 | 4,6 | 39 |
Orge aplatie | 1 kg | 0,99 | 71 | 3,5 | 0,7 |
Apports calculés | 11,2 kg Ms | 6 | 569 | 34 | 73 |
Apports recommandés | 8 - 12 kg Ms | 6 | 576 | 35 | 46 |
Option sans orge :
Aliments distribués |
Poids brut |
UFC |
MADC |
P |
Ca |
Foin de qualité moyenne | 10 kg | 3,9 | 310 | 26 | 33 |
Luzerne déshydratée | 2,5 kg | 1,35 | 235 | 5,75 | 49 |
Huile | 300 mL | 0,89 | |||
Apports calculés | 11 kg Ms | 6,1 | 545 | 31 | 82 |
Apports recommandés | 8 - 12 kg Ms | 6 | 576 | 35 | 46 |
Source : IFCE.
En fin de gestation, on peut opter pour une alimentation avec ou sans céréales. Le premier exemple propose un apport en foin, en luzerne et en orge aplatie. Dans le second cas, on remplace l’orge par une huile riche en omega 3-6 en adaptant les quantités de luzerne. Il est généralement conseillé de privilégier le second cas, pour éviter le surdosage en amidon qui peut engendrer des problèmes d’ostéochondrose, comme précédemment évoqué.
2. Pendant la lactation.
Les besoins nutritionnels de la poulinière explosent pendant la lactation et vont augmenter jusqu’au deuxième voire troisième mois après le poulinage (qu’on appelle le pic de lactation).
Différents rationnements sont envisageables. Pour un poulinage de sortie d’hiver, l’IFCE propose 3 cas distincts :
- Une ration à base de foin associé à des aliments traditionnels :
Aliments distribués |
Poids brut |
UFC |
MADC |
P |
Ca |
Foin de qualité moyenne | 13 kg | 5,85 | 473 | 39,5 | 47 |
Luzerne déshydratée | 3 kg | 1,62 | 282 | 6,9 | 59 |
Tourteau de soja | 500 g | 0,42 | 192 | 3,1 | 1,7 |
Orge aplatie | 1,5 kg | 1,49 | 107 | 5,25 | 1,1 |
Apports calculés | 15,5 kg Ms | 9,38 | 1054 | 54,75 | 109 |
Apports recommandés | 12,5 - 16,5 kg Ms | 9,3 | 1044 | 54 | 61 |
Source : IFCE.
- Une ration à base d’enrubanné (bien plus intéressant d’un point des apports en protéines) associé à des aliments traditionnels sans céréales :
Aliments distribués |
Poids brut |
UFC |
MADC |
P |
Ca |
Enrubanné fin mai | 18 kg | 5,94 | 792 | 30,6 | 61,2 |
Orge aplatie | 2 kg | 1,98 | 142 | 7 | 1,4 |
Huile | 400 mL | 1,18 | |||
Tourteau de soja | 400 g | 0,33 | 153 | 2,48 | 1,36 |
Apports calculés | 13 kg Ms | 9,4 | 1087 | 40 | 64 |
Apports recommandés | 12,5 - 16,5 kg Ms | 9,3 | 1044 | 54 | 61 |
Source : IFCE.
- Une ration à base de foin associé à un aliment “élevage” issu du commerce : si cette solution reste la plus simple d’utilisation (elle évite notamment les erreurs de dosage), elle est également plus onéreuse.
À noter : les apports en calcium calculés sont généralement supérieurs à ceux qui sont recommandés : veillez surtout à ne pas dépasser 2 dans votre calcul du rapport Ca/P, ce qui est le cas dans les exemples ci-dessus.
Dans le cas d’un poulinage plus tardif au printemps, l’IFCE et l’INRA ont montré qu’une complémentation en énergie et en protéines n’est pas forcément nécessaire lorsque les conditions de pâturage sont favorables. Veillez à ajouter un bloc à lécher de CMV pour combler les besoins en minéraux et oligo-éléments.
3. Lors du sevrage
La production de lait commence à diminuer aux alentours de 3 à 4 mois après la naissance du poulain. Lorsque l’on arrive en fin de lactation, autour de 6 mois de vie du poulain, il est recommandé de diminuer de manière progressive les apports, c’est-à-dire à 4-5 jours de la séparation entre la mère et son poulain. Les besoins de la jument, après le sevrage, seront alors similaires aux besoins d’entretien.
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À savoir / à retenir :
> Les besoins nutritionnels évoluent en fonction du stade physiologique de la poulinière, ses apports devront être adaptés au fil des mois pour combler ses besoins et ceux de son poulain.
> Tout déséquilibre nutritionnel aura des conséquences sur la santé de la jument et de son poulain, carences ou excès.
> La qualité (et la quantité) des apports en protéines est fondamentale : certains acides aminés tels que la lysine en quantité insuffisante auront un impact sur la production de lait.
> Lors de la lactation, les besoins seront différents en fonction de la période de la mise-bas : l'alimentation d'une poulinière qui met bas en février sera différente de celle qui met bas en juin, la qualité et la quantité d'herbe/de fourrage/d'enrubanné variant au fil du printemps.
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